La « Marmotte » vécue de l’intérieur

Une grande classique cyclotouriste

« Le 9 juillet 2005, notre ami et grand sportif devant l’Eternel, La belle gaufre, a vécu la douloureuse expérience de participer à la Marmotte, course cyclosportive célèbre, empruntant le parcours suivant :

  • Bourg d’Oisans (départ : 719 m)
  • Col de la Croix de Fer (2068 m)
  • St Jean de Maurienne (546m)
  • Col du Télégraphe (1570m)
  • Valloire (1430m)
  • Col du Galibier (2642m)
  • Col du Lautaret (2057m)
  • Bourg d’Oisans
  • Alpes d’Huez (1880m)

marmotte

Le parcours

(Source : http://www.sportcommunication.com)

Soit, un dénivelé positif (D+) de 5000m et 174 km de distance.

Mais trêve de discours, place au récit de l’intérieur.

lbg

La Belle Gaufre

« Un petit rappel sur ma base d’entrainement (vraiment pas lourd par rapport à la majorité des participants) : 2500 bornes de vtt depuis le début d’année, 11000m de D+ la semaine précédant l’épreuve.

Lever à 3h30 après une nuit assez agitée. La météo n’annonce rien de bon, un temps instable, des orages possibles et des températures basses pour la saison.

Départ 4h20 pour Bourg d’Oisans. Pas très bien fléché, j’ai tourné un peu avant de trouver une place pour me garer. De même, l’endroit pour retirer les dossards était très mal indiqué, je suis allé jusqu’à la mairie pour rien puisque le stand était en fait juste à l’entrée de la route pour l’Alpe d’Huez.

Une petite vingtaine de personnes à attendre pour récupérer le package, ça n’avançait pas. Ils étaient à peine 2 pour tout le monde attendu, j’ai trouvé que ça faisait un peu léger.

Je récupère donc mon package : la puce de chronométrage, des couvre-chaussures marqués « grand trophée » puisque la Marmotte fait partie du grand trophée des cyclosportives qui réunit une dizaine d’épreuves, un sachet de poudre de l’effort, une fiche de route et un prospectus sur l’Alpe d’Huez, un peu léger aussi mais j’avais su avant à quoi m’attendre en lisant des commentaires sur le net.

Je retourne à la voiture, je me prépare, 2 voitures de Genevois se sont garées à côté, 3 gars de mon âge ou à peu près, avec du super matos, des housses pour les roues. L’un d’eux était venu en Audi S4 tout de même… ils sont vraiment pétés de thune en Suisse !

J’hésite sur la tenue à enfiler au niveau du haut, le temps est brumeux et frais (10° au départ, 1° au Galibier en passant en voiture à 4h30), l’alternative est :

  • soit directement une couche N2S de chez Lafuma qui fait coupe-vent et thermique en même temps plus le maillot cycliste de Valloire par dessus (avec un coupe-vent/imper dans le sac)
  • soit une couche de plus en mettant d’abord un tee-shirt ML Helly Hansen et le maillot de Valloire (avec le coupe-vent et le Lafuma N2S dans le sac).

La seconde option est forcément plus lourde à trimballer mais le temps ne m’incite guère à faire autrement tout compte fait.
Par contre, je ne prends ni le bandana windstopper, ni les gants longs, ni les couvre-chaussures estimant que là, ça ferait un peu beaucoup.
Au niveau du bas, j’avais dès le départ opté pour mon corsaire sachant qu’une protection thermique sur les genoux est importante en montagne, en descente pour pas trop se refroidir.

Je finis de me préparer, je vérifie mon équipement, j’ai bien tout, je pars.

Différentes nasses sont prévues selon le numéro de dossard, j’atterris dans la 3ème.
L’attente est assez longue et on commence à prendre légèrement froid, je me dis que j’ai bien fait de prendre 2 couches au cas où. Je ne les mets pas car après 10 bornes de plat, on attaque de suite le Glandon et là, ça serait de trop.

J’écoute un peu autour de moi les gens discuter, je regarde le beau matos qui traine, le carbone est pas mal présent, de plus en plus c’est clair. Beaucoup beaucoup d’étrangers depuis quelques années, énormément de Hollandais (l’Alpe d’Huez est leur repaire) et pas mal d’Italiens, la proximité aidant.

Tout devant, j’aperçois une certaine agitation, ça y est ! Le départ est donné ! Il s’écoule bien 10 minutes avant que je puisse faire tourner mes roues et encore avec les pieds à terre, certains ont d’ailleurs choisi de marcher plutôt que d’enfourcher de suite la bicyclette.

Je passe sur le tapis qui recouvre les capteurs et on aborde la RN91, ça roule fort dès le départ. Pour ma part, je choisis de me faire un échauffement de ces quelques kilomètres de faux plat légèrement descendant, en roulant entre 35 et 40.

Allemont s’annonce déjà avec l’entame du col du Glandon. Impressionnant le monde qu’il y a:  devant, derrière, les lacets tracés sur la pente du premier barrage électrique sont noirs de vélos. De suite, je passe le plateau de 30 (ou 32 je sais plus) et je commence à mouliner tranquillement, il faut déjà doubler du monde car c’est chacun pour soi et chacun à son rythme.
Pour ma part, je marche aux sensations, à mon braquet habituel et au compteur kilométrique, mais pas de cardio.

Après une courte portion de plat, on attaque dans une étroite vallée boisée, la première longue partie de l’ascension. On est tellement nombreux que toute la route est prise et même comme ça, doubler n’est pas toujours évident.
Je remarque une petite nana qui marche pas mal du tout, son rythme est à peu près le mien, pendant quelques temps, on se suit dans l’ordre ou dans le désordre puis je la laisse filer plus loin, préférant baisser légèrement le pied.

Des panneaux donnant la distance jusqu’au sommet sont disposés, le premier avait été un « 20 km avant le sommet », je m’attends en apercevant le second à un 15 km… que nenni, 17 km ! Pas bon pour le moral cette affaire.

La première partie se termine dans le village du Rivier d’Allemont, on a le droit d’abord à du plat puis une bonne descente. Je n’apprécie guère ce caprice de la route, en effet c’est la seule montée que je ne connais pas.

Derrière une rampe terrible, on est scotché au bitume, je souffre et je me dis que c’est pas fini malheureusement. Je continue néanmoins à doubler du monde petit à petit. Les premiers rayons du soleil percent et réchauffent le bonhomme. Je prends une gorgée de boisson régulièrement pour éviter la déshydratation et la fringale.

Le barrage de Grand Maison commence à poindre et je me souviens qu’alors la pente s’adoucit avec plaisir. Je rattrape un groupe d’Italiens qui malgré l’effort, continuent à discuter, ah ces ritals !
Une petite descente nous ramène sur la montée finale dont la partie sommitale est dans la brume. Le pourcentage repart à la hausse et il faut serrer les dents pour gravir les derniers kilomètres. Un nombre impressionnant de voitures sont garées le long de la route, tous ces gens faisant l’assistance pour leurs sportifs. Ca y est, les 1924m du Glandon sont atteints.

Je m’arrête peu de temps au ravito, je recharge un bidon avec du sirop, je bois 2 verres du même liquide et j’emporte une demi banane. Un joyeux bordel règne, avec des gens partout, des vélos partout, pas facile de retrouver le spad dans ce maelstrom. J’enfile ma couche coupe-vent N2S et j’attaque la longue descente du Glandon, que j’ai déjà faite il y a 3 ans.

Dangereuse dans les premiers kilomètres, elle devient plus facile ensuite même s’il faut bien faire attention tout de même.
D’ailleurs, bien vite, au bord de la route, je croise les premiers blessés, les ambulances, les motos, pas cool du tout. Cela réfrène un peu mes ardeurs, ne prenant pas des risques inconsidérés même si j’en profite pour doubler de temps en temps. Je constate d’ailleurs qu’au freinage, j’enclenche beaucoup plus tard que la plupart, peut-être dû à la pratique du vtt.

St-Colomban les villards, St-Alban les villards et c’est la vallée de la Maurienne, dans St-Etienne de Cuines, de nombreux ralentisseurs font tout pour nous secouer tandis qu’on aborde la RN6 par un raccourci sans circulation.

Il y a 25km avant le col du Télégraphe avec 300m de D+, il faut donc trouver un groupe pour s’abriter qui roule bien mais pas trop fort quand même, à son allure quoi. Jusqu’à St-Jean de Maurienne, j’échoue totalement, n’arrivant pas à prendre les roues. Un petit groupe finit par se constituer, ça roule un peu trop doucement au départ mais ensuite ça roule bien assez pour moi qui aurait préféré me reposer un peu avant les 2000m de D+ nous séparant du Galibier.

Arrivé à la gare de St-Michel de Maurienne, à quelques encablures du col, je commande un billet TGV pour l’Alpe d’Huez, euh non, j’enlève ma surcouche, sachant qu’elle sera de trop dans les rampes à venir.
J’ai à peine passé le pont de l’Arc que j’ai envie de pisser, je m’arrête près des contreforts de l’A43 et je me soulage sous les cris de la voisine qui s’aperçoit avec horreur que de nombreux cyclistes pissent un peu partout autour de chez elle (enfin à 20/30m quand même).

Je repars, le 52 est vite délaissé pour la toute petite plaque déjà bien assez dure à emmener. Je suis en confiance car désormais je suis en terrain plus que connu, ayant fait 4 fois cette semaine le Télégraphe et 5 fois le Galibier. Les 4 premiers kilomètres sont difficiles oscillant entre 8 et 9% par endroits. Je m’accroche tout en doublant à nouveau certains qui étaient avec moi avant (l’arrêt pipi + coupe-vent).

Reconnaitre le terrain aide vraiment même s’il faut quand même appuyer sur les pédales. Un léger replat du terrain à mi-parcours a été choisi pour dresser un point boisson, que je zappe étant suffisamment fourni. Mon pote de Valloire m’appelle sur le portable, je l’entends sonner sans arrêt dans le sac.

Je prends l’oreillette bluetooth dans la poche de mon maillot, qu’un habitué de Cybervalloire.com m’a passé mais mystère ça marche pas et j’ai pas trop le temps ni l’envie de m’attarder sur ce dysfonctionnement. Tant pis pour le pote, il me verra pas, ne me filmera pas mais je vais pas m’arrêter pour ouvrir le sac, trifouiller dans les sacs plastiques protégeant le portable contre un éventuel plongeon dans le lac euh… contre l’orage plutôt.

Les kilomètres passent et se font plus faciles, les rampes étant plus sympas vers la fin, un beau belvédère sur la Maurienne fait oublier l’inconfort de la situation avant la fin du col du Télégraphe à 1556m.

5km de descente jusqu’à Valloire, puis 18km avant le sommet du Galibier, les choses vraiment sérieuses vont commencer.

Je ne ressent pas encore de fatigue réelle même si un genou et les reins commencent à se faire remarquer. J’entame la difficile montée des Verneys sur un rythme économique, je m’arrête au ravito des Verneys pour recharger en eau : j’avais pris dans le sac des sachets de poudre mais il faudra que je trouve pour les prochaines fois un mode de remplissage meilleur car ça en met partout.

En repartant, je retrouve un gars du départ qui n’est pas trop à la fête. On se souhaite bon courage et je pars devant lui. On attaque alors les faux plats usant conduisant à Plan Lachat, il faut s’accrocher, continuer à s’alimenter et… pédaler.

Après Plan Lachat et ses 2000m d’altitude, les choses très très sérieuses arrivent avec quelques rampes à 10% jusqu’aux Granges du Galibier. C’est un passage terrible que je passe comme je peux, à 10/11 à l’heure en me mettant en danseuse quand j’arrive pas à tirer le pourtant minuscule braquet.
Mais je m’accroche car je connais le terrain et le répit à venir. Je me demande bien quand même si je vais rallier l’Alpe car 14km du même acabit, je me vois mal les faire vu mon état en dégradation rapide.

Le sommet du col est lui aussi dans la brume mais on aperçoit en dessous des tâches de couleurs qui lentement le rejoignent.
Le répit arrive enfin, j’en profite au maximum pour décontracter tout ça avant les dernières difficultés du col, les 2 derniers km en gros. Je serre à nouveau les dents et ça passe assez bien finalement. Le ravito du sommet n’est pas terrible, leur sirop ressemble à de l’eau colorée sans sucre, grrrrrr. J’enfile la couche N2S et je repars dans le froid.

A peine les premiers lacets descendus, je m’arrête pour mettre par dessus le coupe-vent/imper car j’ai froid étant totalement en sueur dessous. A cet instant j’aurais bien voulu avoir les gants longs et le bandana coupe-vent car c’est limite si je ne grelotte pas et donc une perte d’énergie considérable à prévoir uniquement pour se chauffer. Les 7km de descente jusqu’au Lautaret sont terribles, j’ai la nuque et les dorsaux terriblement contractés par les efforts d’ascension et le froid.

Je suis obligé de m’arrêter pour boire tellement ma main est crispée et incapable de soulever le bidon plein.
Je repars sur la très fréquentée, très abimée et très ventée RN91 pour 1300 de D- sur une quarantaine de bornes jusqu’à Bourg d’Oisans.

Je me tâte toujours pour faire ou non la montée de l’Alpe, j’accroche un bon groupe et ça roule bien entre 40 et 55.
Il faut faire très attention au vent surtout à 50 à l’heure en prenant de l’angle dans les virages, la chaleur revient peu à peu, je n’enlève pas pour autant les couches protectrices, je ne suis pas un funambule du strip-tease.

La vallée de la Romanche finit par s’ouvrir, deux longues lignes droites ventées précédent l’embranchement de l’Alpe.
Emporté par l’élan, je loupe le ravito à côté du Marmotton, je m’arrête juste après, je mets de la poudre dans ce qui me reste de liquide et j’enlève mes couches de vêtements, le soleil est revenu, il fait chaud (23°).
Avec le recul c’est clair que j’aurais dû revenir au ravito prendre un petit remontant.

Les rampes sont dès le départ infernales, je mets ce que j’ai de plus petit en braquet, la vitesse oscille entre 8 et 9. Les lacets numérotés se passent lentement, la Garde est l’occasion de prendre une petite bouteille d’eau qui me fait du bien. Mais j’ai mal au pied, une ampoule commençant à se former, je le sens bien, j’ai mal au dos et au genou.

J’ai surtout une très grande lassitude, l’effort me pèse à chaque tour de manivelle, je défaillis de plus en plus, je passe le panneau annonçant l’arrivée à 8km, j’essaie de m’accrocher, le lacet suivant est infernal, je suis vraiment de plus en plus mal. Je m’arrête juste avant le lacet suivant, un gars me tend un verre de coca, je l’avale avec frénésie, je repars avec ses encouragements mais 300m plus loin, je décide de redescendre car j’en peux vraiment plus.

Toujours avec le recul, j’aurais du m’accrocher, m’arrêter le temps nécessaire et repartir, surtout qu’il ne restait que 7km, un peu moins d’une heure donc. Mais ça sera certainement pour une prochaine fois.
Je redescends donc jusqu’en bas et je passe par les capteurs du Marmotton. N’ayant pas pris la montre ni regardé le chrono je constate avec plaisir quand même que je suis en 8h00 donc si je m’étais arrêté directement au Marmotton, j’aurais fini environ 6h55, 7h00 et j’étais sur les bases de 8h30 pour la Marmotte. Dommage dommage, j’ai des regrets, il faut en tirer les enseignements et je reviendrai pour faire encore mieux.

J’ai refait un peu de vélo la semaine suivante entre les randos, ma meilleure montée du Galibier est à 1h14 à partir de la patinoire. Objectif de l’an prochain: 1h10. »

Seb (aka, La belle gaufre)

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